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Transitions confinées #2 - Cagnole et crise financière.

  • Photo du rédacteur: Transitions
    Transitions
  • 23 mars 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020


Quel rôle peut jouer la Cagnole dans le cadre de l'actuelle crise financière?


Il n'est pas besoin de chercher beaucoup l’info pour voir que la crise financière est déjà là et qu’elle aura des répercussions énormes au niveau économique et social.

Comme je me demandais quel rôle pouvait y jouer la Cagnole, j'ai posé mes questions à Pascal Paquin, cofondateur de cette monnaie locale complémentaire et citoyenne, qui a bien voulu me répondre.

Pascal, veux-tu dire un mot sur l’état actuel de la finance et ses conséquences à venir ?

Je ne suis pas économiste mais simplement militant associatif, aussi je ne peux répondre réellement, avec sérieux, à cette question.

Pour me présenter à vos lectrices.teurs, je suis cofondateur de la monnaie locale complémentaire et citoyenne la Cagnole. Je suis par ailleurs engagé pour le climat et les alternatives, à Attac, Alternatiba, aux Amis de la Terre, à Enercoop, Terre de liens, la NEF… J’ai cofondé en 2007 le site yonnelautre.fr.

Selon mes informations, de nombreux indicateurs semblent signifier le très mauvais état de la finance internationale. À ce propos, si on veut faire un point rapide, on peut regarder la dernière vidéo de Vincent Verzat : Le Krach a eu lieu | Ce qui va suivre sera pire, sauf si… https://www.youtube.com/watch?v=hpc0PpJAPQ8

La finance et l’économie mondiale sont extrêmement dépendantes des énergies fossiles très disponibles, nous sommes dans un monde du pétrole « facile ».

L’effondrement des énergies fossiles ou/et du climat se fera en même temps que celui de la finance et des économies.

La Grèce a connu un effondrement financier (lié à la dette) il y a quelques années, mais cette fois ce sera planétaire et sans solution extérieure.

Cet effondrement se fera progressivement ou/et par krachs successifs.

On peut remettre en cause le terme d’effondrement, et l’appeler écocide, fin d’un monde, ou autrement (https://yonnelautre.fr/spip.php?rubrique1275).

Ce qui est certain, c’est que la crise climatique s’accélère, que l’humanité fonce dans le mur, que l’effondrement est inéluctable (https://yonnelautre.fr/spip.php?rubrique1650).

Pour ce qui est de la situation créée par l’épidémie du coronavirus, il n’y a pas de crise financière brutale, pour l’heure, l’argent circule, les banques ne s’effondrent pas.

Il y a même une chute des émissions des gaz à effet de serre, comme quoi, ce qui est impossible pour tous les gouvernements, toutes les entreprises -de ralentir fortement-, peut se faire !

Lire par exemple : « Pour le climat, il y aura « un avant et un après coronavirus » : nous voulons une issue écologique et sociale » : https://yonnelautre.fr/spip.php?article15794.

Par contre beaucoup d’entreprises vont gravement souffrir de l’épidémie, la dette des entreprises et des états va beaucoup augmenter, beaucoup de suppressions d’emplois auront lieu. Si nos gouvernements font comme d’habitude, les droits sociaux seront durement mis en cause (afin d’éviter de toucher aux inégalités abyssales des répartitions de richesses).

Il y aura une reprise mais beaucoup de dégâts irréparables, avec un possible renforcement des multinationales au détriment des petites entreprises.

Sachant tout ça, je me dis hop, je vais me préparer, je vais changer des euros en Cagnoles, mais en réalité je me demande si c'est utile et je me dis que si tout le monde fait ça, les coupons risquent de manquer ! Les Cagnoles restent-elles disponibles pendant le temps du confinement dans les points d'échange qui restent ouverts?

Avec l’épidémie, la Cagnole est plutôt en pause de fait (https://www.lacagnole.fr/spip.php?article420) avec beaucoup de comptoirs et d’entreprises partenaires fermées.

Il en est ainsi de la plupart des monnaies locales.

Le paiement par carte est souvent préféré aux billets ou aux coupons pour des raisons de sécurité sanitaire.

La particularité de ce que nous vivons cette fin d’hiver et ce début de printemps 2020 est qu’il s’agit d’une crise sanitaire avant tout et non pas d’une simple crise financière : les banques ne ferment pas, l’argent ne manque pas, les moyens de paiements numériques ne sont pas bloqués, et au contraire, la manipulation et l’échange de mains en mains de monnaie papier exposent à des risques de contamination. Quel rôle peut jouer la Cagnole dans ce contexte d’effondrement financier?

En cas d’effondrement financier, les banques ferment ou rationnent le retrait de liquidités, les moyens de paiements numériques sont en panne ou réduits.

Là, les monnaies locales peuvent être très utiles, car elles viennent se substituer à la monnaie du pays ou de la zone économique. Encore faut-il qu’elles aient les moyens techniques de le faire (volume du stock conséquent, capacités de change, acceptation des pouvoirs publics, etc).

La Cagnole étant une monnaie de réseau servant à promouvoir l’agriculture bio locale et à soutenir le commerce de proximité indépendant de tout groupe financier, elle pourra tenir parfaitement son rôle, mais dans la limite de ses moyens matériels.


Sans parfaitement comprendre la mécanique des monnaies, je sais que l'utilisation des monnaies locales peut être bénéfique en cas de grosse difficulté en permettant à l'économie locale de continuer à fonctionner : peux-tu expliquer en quelques mots comment ça marche?

Dans le cas de l’arrêt de la monnaie officielle, l’euro pour nous, les personnes changent en Cagnoles et les utilisent de gré à gré entre partenaires ; la monnaie est un outil de troc (une reconnaissance de dette) basée sur la confiance : si, sur un territoire, les personnes souhaitent reconstruire leur propre économie, c’est le bon outil.

Les exemples récents de l’Argentine ou de la Grèce ont montré l’intérêt des monnaies auto-produites sur des territoires pour rebâtir sans dépendre de l’extérieur et de la prédation des banques.


Si le système monétaire s’effondre au point que l’euro perd sa valeur, est-ce que les monnaies locales seront toujours utiles ?

En cas de crise, l’assemblée citoyenne qui décide de la gestion de la monnaie locale peut choisir la désindexation de la monnaie par rapport à l’euro, elle peut devenir l’outil d’une économie parallèle indépendante de l’économie étatique. Cela s’est maintes fois déroulé ainsi lors de crises profondes (guerres, occupations, crises très lourdes…).

Voyant la vague arriver, comment s'y préparer individuellement ?

Tout est à inventer ! Se préparer à l’effondrement, c’est se construire collectivement, coopérativement, démocratiquement, des alternatives vers plus d’autonomie, de souveraineté (alimentaire, énergétique, etc).

Il faut donc jardiner, se regrouper en AMAPP, se fournir auprès de coopératives locales autogérées, et utiliser la monnaie locale pour agir tou.tes ensemble.

La monnaie a d’abord un rôle d’éducation populaire, de dynamique collective, de lien social retrouvé.


La Cagnole y est-elle préparée?

Oui et non.

Oui car elle est un des outils qu’il faut construire pour s’y préparer : s’auto-organiser pour échanger, en avoir la co-gestion démocratique indépendante, en faire un outil pour faire réseau entre tous les acteurs économiques qui veulent s’engager pour la transition d’un territoire.

Non, car nous n’avons que l’équivalent de 225 000 euros en coupons. Il nous faudrait en imprimer beaucoup d’autres pour faire face à un effondrement financier.


D’un point de vue collectif, aurais-tu des pistes d’actions qui nous permettrait d’anticiper les difficultés ?

Il n’y aura que des portes de sortie collectives, démocratiques, coopératives.

Il faut créer des réseaux d’entraide, de production alimentaire partagée, des AMAPP, des réseaux de partenariat et de solidarité avec la monnaie locale.

Il faut, de toutes les alternatives en cours, faire réseau, pour pouvoir, en cas de crise grave, refaire système, refaire société, reconstruire le vivre ensemble pour un avenir soutenable.

Pour conclure, les monnaies locales ne sont que des outils parmi d’autres pour reprendre possession de nos vies, de nos avenirs, de notre démocratie.


Quels sont les besoins de la Cagnole pour continuer à exister, à se développer?

La Cagnole va continuer à se développer par chacun.e, que l’on soit consommatrice.teur ou partenaire (association, artiste, soignant, entrepreneur, etc) qui va vouloir s’engager à faire réseau, à agir au quotidien, à « voter » chaque jour pour la transition écologique avec son porte-monnaie.

La Cagnole se développera avec des groupes de personnes qui, sur leur petit territoire, leur village, leur quartier, vont s’en emparer pour refaire du lien social, pour redonner de l’humain et du sens aux échanges.

Ces petits groupes « en transition » organisent alors de nouveaux comptoirs (lieux de change d’euros en Cagnoles), vont solliciter les acteurs économiques de leurs lieux de vie, se fédèrent autour de la monnaie comme autour d’autres projets résilients.

L’exemple le plus récent est celui de l’association Cellula Aventure Permacole, autour de Mailly-le-Château, qui s’auto-organise avec ses projets de permaculture, de partages et de solidarités : ils sont devenus dépositaires d’un lot de Cagnoles et s’auto-entreprennent.

En effet, il suffit d’accepter les statuts de Courts Circuits la Cagnole, sa charte et les orientations de sa dernière assemblée générale, et ensuite d’agir en autonomie dans ce cadre.

Ensuite, toutes les structures de Courts Circuits la Cagnole sont ouvertes aux membres : sa collégiale qui se réunit un mardi sur deux, ses commissions qui s’auto-gèrent. Nous tentons d’inventer aussi une alternative démocratique, nous vivons une aventure humaine dans l’écoute, la bienveillance, le profond respect de l’autre, nos différences devenant nos richesses.


Merci Pascal !


Julie

 
 
 

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